La Bomba
vs
Killy
Jean-Claude Killy est un skieur alpin français, trois fois médaillé aux J.O. d’hiver et six fois champion du monde.
Alberto Tomba, dit La Bomba, est un skieur alpin italien, trois fois médaillé aux J.O. d’hiver, deux fois champion du monde.
Ne gagne pas toujours
qui est favori !
Dans son lit d’internat, en champion consciencieux, Killy avait occupé sa nuit à préparer chacun de ses muscles. Échauffés à souhait et nourris au chocolat du goûter, ils lui promettaient forcément la victoire.
Il en était sûr, le trophée ne pouvait pas lui échapper !
Il avait évalué ses adversaires, visionné des vidéos instructives de leurs dernières prestations et s’estimait prêt à leur damer le pion !
Et puis la réputation de son nom dans le milieu des sports d’hiver ne pouvait que les impressionner.
Il n’avait plus qu’à choisir le bolide idéal pour remporter la course.
Les bobsleighs rutilants reposaient depuis deux saisons, faute de neige, dans les box officiels des concurrents. Ils se réjouissaient qu’on leur accordât enfin de l’attention.
La jeune Nolween avait, elle-aussi, écourté sa nuit pour bichonner sa puissante formule 1. Elle l’avait enduit, sur les conseils de Madame Convert, d’une huile essentielle qui favoriserait ses qualités de glisse.
Un nouveau venu dans la compétition, Cristiano, s’imprégnait avec avidité de l’ambiance surexcitée qui régnait dans les stands à quelques minutes du grand prix. « Quel pied de se trouver au cœur d’un tel évènement ! ».
Hélas pour Théo, floconneux en diable, les jours précédents avaient élevé la couche de neige d’une quarantaine de centimètres. Enfoncé jusqu’aux genoux dans des congères instables et glacées, il éprouva toutes les peines du monde à tirer sa luge au haut de la piste. Ticéo lui emboîtait le pas avec les mêmes difficultés, en regrettant vivement qu’il n’y eut pas de tire-fesses. Un projet urgent à soumettre à Madame Chausse !





Prénommé en souvenir d’un célèbre skieur italien, Antoine, dit Tonio la Bomba, sut employer une astuce qui lui serait bénéfique plus tard. Il prit le plus grand soin à placer ses boots dans les empreintes de ses camarades. Il parvint au sommet de la pente sans la fatigue accumulée par ses adversaires du jour.
La piste Saint-Joseph n’a qu’une lointaine parenté avec celle de Kitzbüehl en Autriche, mais elle donne le vertige aux plus audacieux. Matthew, champion tri national (Angleterre, Suisse, France), tremblait de tout son corps avant de s’élancer pour les premiers essais. Lui succédait aussitôt le frétillant Louis, casse-cou avéré, qui ne glissa pas dix mètres avant de quitter la piste et de goûter à la fraiche. Il allait passer l’après-midi en carambolages de toutes sortes, roulant d’un côté ou de l’autre sur le tapis de neige, dans des acrobaties inédites.
Les soubresauts de sa soucoupe envoyaient valdinguer Timothée bien plus en aval qu’il n’aurait souhaité. Il semblait s’élever dans l’air une seconde pour retomber aussitôt, très secoué, sur le sol gelé. « Mal aux fesses, maugréait-il, après plusieurs tentatives pour rectifier sa position et son aérodynamisme ».
Avant de goûter au frisson de la compétition, Loanne et Cristiano prenaient du repos sur la couchette aménagée de leur engin.



Le champion serait celui des concurrents qui descendrait le plus loin dans la pente. Quand le starter officiel de la course agita le drapeau à damier, Laïna fit vrombir son moteur intérieur et s’élança dans le vide dans une fureur qu’on ne lui connaissait pas. Mais tant de vitesse accumulée à la première seconde, à la première bosse, elle ne sut contrôler son véhicule et partit au fossé dans un nuage de neige. Dans ses traces, Ticéo, Théo et Louis connurent le même sort. Bientôt la place fut libre pour un duel épique entre Killy et La Bomba.
Le premier, sûr de lui, convaincu de sa supériorité technique, prit un départ en fanfare et glissa sur la piste avec une maîtrise incroyable, surfant sur les bosses, survolant les crevasses et atteignant le point le plus éloigné de la ligne de départ.
Cette incroyable prestation décourageant ses adversaires, le titre semblait acquis. Loin s’en fallait. Tonio La Bomba, discret jusque-là, prit son élan en pagayant la neige et dans un style non académique évita tous les écueils de la pente pour dépasser d’un bon mètre la marque de Killy.
La victoire et le trophée lui revenaient. Antoine au sommet du podium !
Dans l’interview d’après course, dépité, Killian, car tel est son véritable prénom, reprocha à l’organisation d’avoir invité un concurrent qu’il ne connaissait que depuis peu et dont il n’avait pu étudier à temps le style novateur.