A l’évidence, quand Lilou revêtit un pull à damier pour être conforme à la mode que venait d’introduire aux Fontenelles son amie Mandy, rien ne pouvait plus stopper l’apparition programmée de carrés noirs et blancs sur le carreau de l’établissement. Pour ne pas être en reste et faire adopter au plus vite cette toute nouvelle tendance, elle proposa de remettre au goût du jour un des jeux les plus anciens qui soient : le jeu de dames. Un concours fut organisé auquel voulurent participer tous ceux qui suivent au plus près les mouvements en vogue aussitôt qu’ils apparaissent.  C’était le cas de Kilian (prononcez Ki Lian), éternel insatisfait, qui recherche depuis longtemps la paire de lunettes idéale, propre à faire de ses fabuleux lorgnons une référence internationale. Il y avait Loïc aussi, pourfendeur insatiable de tout individu qui néglige les futilités et ne s’intéresse pas au dernier cri. Ambre comptait profiter de l’évènement pour vanter les mérites de son sweat capuche noir et gris qu’elle aurait bien voulu céder à Ugo pour la modique somme de… Transaction interrompue. Nous n’en saurons pas plus !

Maître du temps et arbitre émérite, Kilian (cette fois-ci, prononcez Ki Liane), avait apporté ses clepsydres colorées pour mesurer la durée des parties, soit quinze minutes de connexion effrénée à ses neurones… pour partir à dame.

Jules et Ugo qui n’avaient jamais poussé de pions sur des cases purent jouir au préalable d’une formation accélérée, dispensée par Antoine et Noah. Leur indiquèrent-ils les meilleurs plans pour parvenir à la victoire ? Rien n’est moins sûr quand on examine minutieusement les scores finaux de chaque concurrent.

C’est Ticéo qui ouvrit la partie en posant un pion blanc sur une case noire à la stupeur de Lilou, son adversaire, effarouchée qu’un tel mouvement supposa qu’elle réfléchisse d’emblée. Elle ne sut contrer le coup et vit beaucoup de ses petits jetons disparaître en quelques secondes de jeu. Rapidement désappointée, elle n’eut d’autres ressources que de soutenir d’une main sa tête, lourde de trop de concentration.

Pendant ce temps, discret comme un scorpion mais tout aussi dangereux, Timothée, sans bruit, remportait plusieurs victoires mais sans prendre la tête qu’il laissait par stratégie à la belle Ambre alors toute émoustillée. Au milieu du concours, le scorpion avança ses pions avec plus de subtilité encore et disposa de tous ses concurrents. Il montait, lui le petit, le plus jeune de tous sur la plus haute marche du podium. « Rien ne sert de se précipiter, il faut attaquer au bon moment ! », déclara-t-il dans l’interview qui le consacrait champion.